L’IA, un inventeur ? Non, dit le Tribunal !

Nos experts analysent l’arrêt du Tribunal administratif fédéral du 26 juin 2025(B-2532/2024) refusant les droits d’inventeur à l’IA, première décision en la matière en Suisse.

De quoi s’agit-il ?

Au cœur de cet arrêt se trouve la question de savoir si un système d’intelligence artificielle (IA) – en l’occurrence le système DABUS – peut légalement être considéré comme l’inventeur d’un brevet. L’informaticien américain Stephen L. Thaler avait déposé un brevet auprès de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) pour un nouveau type de récipient alimentaire. Cependant, il ne s’est pas présenté comme l’inventeur, mais plutôt l’IA appelée « DABUS ». Il a fait valoir que l’IA avait créé l’invention de manière entièrement autonome, sans intervention humaine.

Points clés de la décision

L’IPI a rejeté la demande. Motif : Selon la loi suisse sur les brevets, seules les personnes physiques peuvent être reconnues comme inventeurs. L’intelligence artificielle n’est pas une personne morale et ne peut donc pas être enregistrée en tant qu’inventeur. M. Thaler a fait appel de cette décision.

Arrêt de la Cour administrative fédérale

La Cour administrative fédérale a largement confirmé le point de vue de l’instance inférieure. Il a décidé qu’un système d’intelligence artificielle tel que DABUS ne pouvait être considéré comme un inventeur. La définition légale de l’inventeur présuppose un acte humain de création. Selon la loi, une demande de brevet sans désignation de l’inventeur n’est pas non plus possible.

Toutefois, le tribunal a donné raison à M. Thaler sur un point : étant donné qu’il avait entraîné l’IA, lui avait fourni des données et avait finalement reconnu l’invention brevetable et l’avait soumise à l’autorité, sa contribution était suffisante pour qu’il soit lui-même considéré comme un inventeur légal. Le tribunal a donc ordonné à l’IPI de poursuivre le traitement de la demande de brevet – avec M. Thaler en tant qu’inventeur.

Tendance mondiale

Cette décision s’ajoute à de nombreux jugements comparables dans le monde entier. L’Office européen des brevets, l’Office allemand des brevets et des marques, ainsi que les autorités du Royaume-Uni, d’Australie, de Taïwan et des États-Unis ont également statué dans des cas similaires : l’intelligence artificielle ne peut pas (encore) être considérée comme un inventeur.

Quel impact dans la pratique ?

Ce verdict concerne l’avenir de la technologie et de l’innovation. Le rôle de l’IA dans les processus créatifs et techniques devient de plus en plus important. L’intelligence artificielle peut soutenir de nombreux processus et inventions, mais juridiquement, l’homme reste au centre du droit des brevets. L’inventeur au sens de la loi reste l’être humain, et non la machine. Une IA comme DABUS ne peut pas être désignée comme l’inventeur officiel dans le brevet. Par conséquent, toute personne utilisant l’IA dans des activités de recherche et de développement doit garder à l’esprit qu’en fin de compte, c’est toujours un individu qui doit agir en tant qu’inventeur pour le brevet. Toute personne qui utilise et forme une IA, reconnaît et utilise ses résultats peut être considérée comme un inventeur – à condition que l’implication humaine puisse être prouvée.

Impact sur les autres droits de propriété intellectuelle

Même si l’arrêt ne concerne que le droit des brevets, la règle de base de la « personne physique » en tant que titulaire de droits s’applique également à d’autres droits de propriété tels que les marques et les droits d’auteur : Les systèmes d’IA ne sont pas des entités juridiques indépendantes et ne peuvent donc pas avoir des droits similaires à ceux des auteurs ou des propriétaires de marques. Les personnes morales restent des individus ou des entreprises.

En résumé,

L’IA ne peut pas obtenir seule des droits d’inventeur ou d’autres droits de propriété intellectuelle. Les personnes restent juridiquement responsables et sont les inventeurs au sens de la loi.